Devant l’inquiétude provoquée chez nos collègues, directeurs et DCF (directeurs comptables et financiers) par cette réforme qui bouleverse les conditions de mise en cause de leur responsabilité, nous avons rencontré les représentants de la Direction de la Sécurité sociale le 8 décembre dernier et obtenu des informations complémentaires à celles diffusées à ce jour par les Caisses nationales.
L’essentiel de la réforme
Cette réforme vise à renforcer la responsabilité des gestionnaires publics et par extension celle des gestionnaires des organismes de Sécurité sociale. Elle résulte de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022.
L’entrée en vigueur de ce nouveau régime de responsabilité financière, commun aux ordonnateurs et aux comptables, est fixée au 1er janvier 2023.
Parallèlement, l’article 25 de l’ordonnance met fin au régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des directeurs comptables et financiers.
A un régime de responsabilité sans faute des DCF, le nouveau régime substitue un régime de responsabilité pour faute des dirigeants.
Il prévoit en effet des poursuites en cas d’infraction aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens, constitutive d’une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif.
Les infractions concernées sont définies dans l’article L.131-9 du Code des Juridictions Financières
Les éléments suivants doivent être réunis :
- L’existence de la violation d’une règle opposable,
- Par une personne précisément identifiée,
- Que cette faute revête un caractère de gravité avéré et ait pour conséquence un préjudice financier significatif.
Les réponses à nos questions
Sylvie Scocard déplore l’absence de définition de la notion de faute de gravité avérée. La réponse actuelle selon laquelle celle-ci résultera de la jurisprudence est génératrice d’inquiétude dans le réseau.
Laurent Lénière et Dorastella Filidori précisent que la Cour des Comptes est à l’initiative de cette réforme. Ils ont obtenu de sa part un ensemble d’informations mais celles-ci restent encore lacunaires.
C’est la 7ème chambre de la Cour qui sera chargée de juger ces affaires et cette chambre se met actuellement en place. La volonté de la Cour est de détecter et sanctionner les infractions les plus graves qui n’étaient pas forcément sanctionnées antérieurement comme par exemple des marchés publics non conformes à la réglementation. Seules les infractions intentionnelles seraient visées.
Cette réforme s’analyserait en une modernisation des conditions de fonctionnement de la Cour de Discipline Budgétaire laquelle s’est réunie pour la dernière fois en 1995.
Concrètement la détection des infractions sanctionnables résultera de la mise en oeuvre d’un plan de contrôle ciblé qui s’ajoutera aux différents contrôles déjà réalisés. Il est rappelé que les contrôles de validation des comptes ont pour objet de vérifier le respect des consignes nationales par les organismes ce qui est différent.
Sylvie Scocard a du mal à entendre que les contrôles actuels sont insuffisants. Elle rappelle les contrôles DRASS et TG antérieurs et estime qu’il s’agit d’un retour en arrière.
Jacqueline Janvier demande que le réseau soit informé du contenu de ces futurs « plan de contrôle ciblés ». Réponse négative.
Elle souligne ensuite l’effet pervers de la suppression du principe de cautionnement des DCF. Cette règle garantissait aux organismes de récupérer les « manquants » puisqu’ils étaient remboursés par la société de cautionnement. Dorénavant, eu égard aux montants considérables possiblement en jeu, ils se retrouvent pratiquement privés de tout espoir de recouvrement.
A noter que les sociétés de cautionnement proposent maintenant des services d’assistance juridique et les assurances s’orientent vers de nouveaux types de contrats.
A titre d’exemple de faute sanctionnable, Dorastella Filidori indique qu’une décision de simplification des modalités de liquidation des indemnités journalières, si les résultats sont en écart notable avec les textes, pourrait être considérée comme une faute grave. La présence d’une lettre de couverture de la Caisse Nationale assortie de résultats comparables serait en revanche de nature à écarter la notion de faute sanctionnable.
Jacqueline Janvier rappelant que les Caisse nationales n’ont pas de pouvoir réglementaire regrette que la question de la simplification des modalités de calcul des indemnités journalières, qui se pose depuis des années n’ait pas encore trouvé de solution sur le plan légal. Peut-être cette réforme aura-t-elle un effet d’accélérateur bienvenu dans ce genre de dossiers.
Sur la question de « l’indemnité de responsabilité » dont Sylvie Scocard indique qu’elle a été convertie en « prime de maniement des fonds publics » en faveur des comptables publics, Laurent Lénière précise que les primes de contrôle des délégataires sont maintenues et que l’UCANSS se prépare à engager une négociation avec les partenaires sociaux sur la question de l’indemnité. Selon lui, la Direction de la Sécurité sociale souhaite rester le plus proche possible de la situation des comptables publics. En dépit de quelques ajustements à prévoir, il se déclare « positif ».